Le crowdfunding est une activité apparue dans le courant des années 2000 et qui consiste à appliquer le principe du « P2P » aux crédits. Nous allons analyser les rendements réels des leaders mondiaux de cette activité afin de voir si cette diversification est intéressante ou arnaque.
Pour un bon rappel et les définitions :
http://crowdfunding.typepad.com/crowdfunding/financement/
Des sites à l’étranger sont bien connus et ont un historique qui permet de savoir si cet investissement ;
– est risqué ou pas
– est rentable ou pas
Notamment par rapport à des obligations d’entreprises ou d’état (puisqu’il s’agit d’obligations, on est financeur de la dette).
ZOPA.COM
L’anglais Zopa.com, existe depuis environ 5 ans.
Vu les chiffres de janvier 2012, il publie des performances assez moyennes.
En effet les rendements annualisées, pour des prêts de 3 ou 5 ans, sont affichés HORS effets des « bad debts » cad prêts non remboursés.
Or voici les taux de bad debts constatés selon l’age du prêt en 01/2012:
0-1 an : 0,2 %
1-2 an : 1,2%
2-3 : 1,4%
3-4 : 5,8%
4-5 : 0,4%
A prendre avec des pincettes vu que la répartition de qualité de crédits a changée.
De manière assez étrange, on constate que le taux de bad debts, censé suivre une courbe logarithmique, dépend énormément de la conjoncture économique. Les prêts accordés en 2008-2009 (et peut être aussi avant durcissement de la sélection des dossiers des emprunteurs, toujours laxiste chez les anglo saxons), ont connu un boom de bad debt : un projeté de 5.8% de bad debt
Si on part du principe qu’un évènement du type « crise de 2008-2009 » a 20% de chances de se produire, alors les 5 dernières années sont représentatives et on peut estimer des taux de bad debts par qualité :
A*36 : 0,5%
A*60 : 1,5%
A36 : 0,95%
A60 : 2,4%
B36 : 2,0%
B60 : 4,4%
C36 : 4,1%
C60 : 7,2%
Y36 : 4,1%
Y60 : 4,1%
http://uk.zopa.com/ZopaWeb/public/lending/why-its-safe-performance.html
Comme les bad debts ont tendance à arriver entre 1 et 3 ans, leur impact est inférieur à si cela arrivait dès le 1er mois sur 100% du capital. Zopa donne un ratio approximatif de .65 (prêts de 36mois) et .39 (60mois)
En couplant ces chiffres aux gains moyens après frais et avant bad debt, et en appliquant le ratio d’impact, on obtient un taux de rendement net-net (hors éventuelle fiscalité):
Net hors fiscalité = Net du site – ratio x bad-debt
A*36 : 5,4%
A*60 : 5,9%
A36 : 5,4%
A60 : 6,0%
B36 : 6,2%
B60 : 6,8%
C36 : 6,3%
C60 : 7,4%
Y36 : 5,7%
Y60 : 7,7%
La conclusion est que ça paye plus sur 5ans, logique, et un peu plus avec des profils plus risqués. Cependant la différence de rendement net ne vaut pas tellement le coup, car la volatilité et les risques sont accrus, pour un gain de 0 à 2% de perf
Chez Zopa cependant, vous investissez directement sur des parts de tranche A*, A ou autre, et la société se charge de répartir l’investissement vers des emprunteurs. Par contre le risque reste bien personnel, et un défaut de paiement d’un des débiteurs affectera le rendement réel.
LENDINGCLUB.COM
Ce site américain assure que pour quelqu’un ayant investi sur au moins 800 débiteurs (soit au minimum 20 000$), le rendement est toujours positif, quelle que soit la période de temps ou les tranches.
92% des investisseurs qui auraient investi sur 800 débiteurs ont un retour entre 6 et 18%, 7% entre 3 et 6, et seulement 1% entre 0 et 3.
Les dividendes sont touchés mensuellement.
LendingClub donne directement le profit par tranche, APRÈS frais (1%) et cessation de paiement. Après lecture de la méthode de calcul, il ne semble pas y avoir d’arnaque, même si elle ne semble pas super mathématique car ils font des moyennes de rendements mensuels.
Mais bon les défauts sont bien comptés
Les taux annoncées de 5.8 à 13.2% sont bien meilleurs que au UK, on voit que l’utilisation massive des CC (cartes de crédit) permet de faire des taux plus élevés sur les mauvais payeurs. L’argent sert principalement à payer des crédits révolving, plus rarement pour des achats personnels.
A : 5,82%
B : 8,11
C : 9,17
D: 10,12
E : 12,19
F : 13,20
G : 12,28
Le taux de défauts est quand même énorme sur les prêts déjà finis : il est à craindre que la méthode de calcul ne « madofise » le résultat.
En effet la demande de crédit sur ce site est quasiment exponentielle. Comme le rendement est calculé « tous prêts confondus », mais que la majorité des prêts est en phase initiale, le rendement est artificiellement gonflé.
Si on part du principe, confirmé par le graphe, que les prêts n’en sont en moyenne qu’à 1an, sur une durée moyenne de 4 ans. Et que le le nombre de défauts doublerait si tous les prêts étaient terminés.. alors les rendements chutent.
Cela peut se voir en téléchargeant le fichier des prêts :
https://www.lendingclub.com/info/download-data.action
En effet les taux de défaut constatés par rapport au nombre de prêts commencés sont entre 1,3 et 15% (sans compter les « late »).
On peut approximer un taux de défauts réel (sur les prêts finis) de 2,6 à 30% !!
Par exemple, sur les G, seulement 101 prêts remboursées en entier. 79 défauts ! Une partie des défauts est surement due aux environ 400 prêts pas finis, dont on peut imaginer que déjà 10% sont en défaut après en moyenne 1an, soit 40 prêts. Il reste les 39 autres qui seraient des défauts sur des prêts terminés.. 39/140 = 28%..
Ça concorde avec notre estimation de 30. CQFD
Comme un défaut fait perdre en moyenne la moitié du capital, on peut en gros soustraire la moitié du taux de défauts officiel du rendement, car le taux de défaut réel est le double de celui annoncé.
Avec ce calcul rapide, les taux réels deviennent :
A : 5,1
B : 6,4%
C : 6,2%
D : 6,5%
E : 8,3%
F : 8,4%
G : 4,8%
Tout de suite moins mirobolant !et plus en ligne avec les chiffres de Zopa !!
Friendsclear
Pour la France (friendsclear), en fait on souscrit à un placement rémunéré, comme à une part de fonds. Le risque est mutualisé, je dirais socialisté, et le rendement réel est mauvais.
Au départ (mars 2012) le site offrait du 4,5% mais il y a deux feintes :
– d’abord le site impose le PFL et prélève directement la taxe de l’état. Le taux réel versé était donc de 3,14%, et encore… les intérêts ne sont payés qu’à la fin (dans le prospectus, 33% du capital la 1e année, puis 36 puis 41… alors que l’emprunteur lui fait prêt bancaire et va donc payer ses intérêts en premier, ce qui garantit à la banque de juteux bénéfices sur le placement de ces intérêts avant de les donner au particulier).
Au final, bloquer de l’argent 3 ans pour un taux de rendement inférieur à l’assurance vie, c’est débile. Aussi parce que les critères français sont bien trop durs, donc ne vont sélectionner que des équivalents de dossiers A ou B anglo saxons.
Du coup le concept a du peu marcher, et le taux de défauts de paiements a du être élevé.
Résultat, le taux offert aux prêteurs est désormais passé à 6,5%
Enfin la performance est mutualisé, mais le risque (même si ce n’est pas clair), ne le serait pas, c’est vraiment de la pigeonnade
Même avec un taux de pertes sur défauts de 1,5% seulement, il ne faut pas attendre + de 5% avant fiscalité de ce type de produit
Alors, faut-il y aller ?
La conclusion est très simple : A moins d’avoir un portefeuille déjà énorme en obligations et SCPI, le crowdfuding n’a pas d’intérêt pour un investisseur particulier. En effet ce qui rend cette activité intéressante pour les banques (mais pas pour nous) c’est l’effet de levier du crédit (ils prêtent 10x nos dépôts). Ici comme nous ne finançons qu’une personne, malgré les taux élevés, voire usuriers pour les tranches hautes aux USA (ça atteint du 20 voire 30%), il ne reste pas grand chose après les frais et les pertes pour impayés.
Les 3 exemples montrent qu’on peut attendre, hors fiscalité et crash économique, du 5% sur des crédits surs, et environ 7% sur du risqué. Ça n’est pas mieux que des obligations d’entreprise ou des SCPI. Et ça reste une industrie jeune donc le risque de mauvais calibrage des différents frais ou provisions pour défauts de paiements plus gros que prévus, est bien là.
(c’est arrivé à un site bien connu US non cité ici : quasi défaut de paiement.. du site !)
Pour être complet, il y a aussi le nouveau venu www.pret-dunion.fr mais il est réservé aux investisseurs qualifiés pour le moment, et offre environ du 5% sur 3ans hors fiscalité. Un bête compte à terme atteint du 3,5% sur cette durée, avec un risque beaucoup plus faible…