Carrefour fait en ce moment beaucoup de pub comme quoi ils sont moins cher que Auchan, Leclerc, Intermarché et Super U.
Est-ce vrai ?
Déjà, la méthodologie est dure à trouver, en voici le lien
La méthodologie dit tout
C’est celle de 2012 que nous avons, mais les recettes restent les mêmes :
- Seulement 80 magasins par enseigne sont retenus
- Seulement 500 produits par magasin
- Seulement un relevé, sur une période d’une semaine
Ce protocole permet énormément de « tricheries » :
- Le plus important biais (et qui explique à lui tout seul que d’autres distributeurs que Leclerc, qui est en général le moins cher, puissent apparaître comme moins chers) est celui du nombre de magasins : 80, c’est très peu, quand on sait qu’entre deux magasins d’une même enseigne et d’une même département, la différence de prix atteint couramment 10 ou 15%. Or, même si on se restreint aux hypermarchés et supermarchés, en laissant de côté les petits formats, il y a plus de 500 Leclerc (exclusivement des hyper et des supermarchés d’ailleurs), environ 800 magasins U, plus de 230 Carrefour (et un millier environ de Carrefour Market), 500 Casino dont un 1/4 d’hypermarchés, 600 Auchan (mains seulement 130 Auchan et le reste de Simply Market), et 1400 intermarchés.
- Ensuite, on peut jouer sur les mots : pour Casino, Leclerc, Intermarché, les magasins qui sont prix en compte sont de toute taille, souvent moyenne. Au contraire, pour Carrefour et Auchan, historiquement leur nom de magasins n’a été donné qu’à des hypers : ils sont donc avantagés dans ces comparatifs « ciblés » car on prend uniquement des magasins qui font un gros chiffre d’affaire, et ont des prix plus bas.
- Il est très facile, quand on prend seulement 80 magasins sur plusieurs centaines, de choisir des villes moyennes, dans lesquelles le magasin Carrefour a un prix correct, et il est confronté à un Intermarché, un Leclerc ou un Casino plus petit, situé dans le centre ville, et qui n’est pas comparable.
La liste des produits
Ensuite, même si ce n’est pas volontaire, le protocole de relevé de prix exclut plus de 50% des produits achetés par les clients :
- Marques distributeurs, qui ont environ 25% de part de marché, mais ne sont pas directement comparables (même si souvent une marque distributeur du supermarché A est produite par le même fabricant que la marque distributeur du supermarché B)
- Produits frais en boucherie et poissonnerie
- Fruits et légumes frais
Qui est plus, le frais est le rayon sur lequel les magasins font le plus de marge, alors que leur marge sur les produits secs est restreinte, car les grandes marques tirent les prix vers le bas, et il y a une guerre sur des produits phares comme le Coca-Cola ou les yaourts Danone.
Ensuite, 500 produits, c’est peu par rapport à l’ensemble des références vendues : si on regarde le site Quiestlemoinscher fait par Leclerc, on se rend compte que c’est très parcellaire : les drives, pourtant un peu limité, ont régulièrement 6 000 références en vente ! Sur le lien ci-dessus, alors que les deux magasins comparés ont plus de 1000 produits en commun, soit deux fois plus que sur le test de Carrefour, on ne trouve que environ 30 références en Apéritifs : même pour un produit qui apparaît dans la liste, comme les Pringles, il manque une bonne moitié des références. Dans le rayon, on peut constater que rien que pour les cacahuètes, on a cette trentaine de produits en stock !
Enfin, il est possible de choisir les produits pour garder principalement les marques avec lesquelles on a bien négocié, mieux que son concurrent (Leclerc en fait) : le choix est totalement arbitraire, tant sur les marques, que sur les conditionnements : on peut mettre dans la liste le paquet de Jambon 4 tranches de Herta, et être plus cher sur le paquet de 6.
Le relevé
Le relevé est finalement la partie la moins suspecte du système : fait par une société indépendante, il est relativement fiable. Le problème, c’est qu’en choisissant bien la date, on peut faire le relevé juste avant une grosse promotion orchestrée par Carrefour : les prospectus n’ayant pas forcément exactement les mêmes dates de début et de fin entre les différentes enseignes, cela peut jouer. Afin d’éviter cela, Carrefour précise ne pas tenir compte des promotions en tête de gondole. Pourtant, le client lui va payer le prix remisé : le chiffre relevé est donc incorrect.. certaines semaines; de plus, les marques sont devenus expertes pour inventer des formats spéciaux, qui n’ont pas le même code barre, lors des promotions : lots de 2, de 3, format plus petit ou plus grand : le but est d’empêcher les consommateurs, et les distributeurs, de comparer efficacement les prix. Ainsi, le hard discounter Dia vend des bouteilles de 1,75 litres de coca, qui ne sont pas vendues par les hypers.. du coup, même si le prix de Dia était canon, il ne pourrait pas faire d’ombre au distributeur qui lui, comme Leclerc, fait un bon prix toute l’année sur la bouteille de 1,5L, mais est sans doute battu par cette promo ponctuelle.
Et l’UFC ?
Même les relevés faits par l’UFC Que Choisir sont très parcellaires : si les produits sont choisis soigneusement pour être représentatifs d’un caddie moyen, avec une partie de marque distributeur, ce caddie reste tout petit : à peine 80 produits environ, une paille. Le nombre de magasins audités est quant à lui de 3 000 : c’est beaucoup plus que les 400 de Carrefour, mais ça reste simplement un sondage. Là aussi, connaissant l’UFC, ce « sondage », même s’il ne va concerner que la moitié ou le tiers des supermarchés français, a toutes les chances d’être fait correctement, selon un vrai critère de représentativité : il comprend les plus gros magasins en terme de CA, donc les hypers, et une sélection des supermarchés.
Leurs chiffres sont donc plus réalistes, mais restent à prendre avec des tas de pincettes. Quand l’UFC donne un chiffre de 10% moins cher ou plus cher sur leur caddie, n’espérez pas que cela soit représentatif au % près de la différence de prix entre les magasins : c’est juste une tendance. Leurs chiffres confirment, année après année, ce que tout le monde sait, à savoir que ce sont les magasins E.Leclerc les moins chers. Cela tient aussi à deux choses :
- Leclerc a fait le pari dès le début d’avoir des magasins assez homogènes (même si tout est relatif) : il n’y a pas des tas de formats, et notamment, aucun petit magasin de proximité : c’est le seul distributeur dans ce cas, et c’est ainsi que Leclerc avec ses 500 ou 600 magasins, en nombre de magasins, est le plus petit. Cette homogénéité est un gros plus pour le prix moyen
- Paradoxalement, ce choix est maintenant une force : alors qu’il y a 20 ans, en pleine urbanisation galopante, les mode était aux gros hypers, les gens étaient prêts à faire 30mn de route pour aller dans le plus grand magasin, et penser avoir le prix le plus bas. Aujourd’hui, les supermarchés ont regagné du terrain : Carrefour et Auchan, qui avaient misé sur le « tout hyper » dans leur stratégie (même s’ils continuaient d’avoir des supermarchés), sont passés de mode. Ils ont ensuite suivi des chemin différents : Carrefour a choisi de continuer le combat avec Leclerc sur les prix : ils ont désormais beaucoup de magasins vieillissants, ou fréquentés par des populations relativement pauvres, rien de super. Auchan a joué la carte de la « classe sobre », du « vous en avez pour votre argent mais c’est pas bas de gamme »: et en réalité, leurs coûts ont explosé, et ils se sont faits distancer par cette course aux prix.
Au final, il n’y a pas de recette précise pour savoir qui est le moins cher.. comparez !